Liberté pour l’amour et le mariage

Un recueil de trois textes dans lesquels l’écrivain se prononce pour la libéralisation des mœurs en matière de mariage et de relations amoureuses, à l’encontre de valeurs conservatrices et patriarcales de l’époque. Le romancier prend notamment pour cible un projet de loi du sénat visant à imposer une taxe sur le célibat.


Format : 10,5×15
Nombre de pages : 64 pages
ISBN : 978-2-84418-344-6

Année de parution 2017

6,00 

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I

Liberté pour l’amour et pour le mariage

 

Ou vient de publier la statistique de la nata- lité française pendant l’année dernière. Les chiffres baissent d’année en année. La dépopulation suit sa marche avec une constance désormais certaine. Depuis treize ans, il naît en France 800 000 enfants par an. Il en naît 1 600 000 en Allemagne. M. Bertillon, par une opération mathématique du genre le plus simple, en conclut que dans sept ans d’ici chacun de nos soldats aura deux adversaires. Le présage est à retenir.

Pendant quelques jours, comme tous les ans à pareille époque, nous allons entendre une lamentation bruyante dans la presse et à la tribune. Des gens ouvriront de larges bras, bais- seront la barbe et secoueront le front. On soupirera : « Pauvre France ! » On dira aussi:

« Décadence des mœurs ! » Et la Chambre, par l’organe d’un orateur complaisant, accu- sera l’imprévoyance et l’égoïsme de chaque citoyen en particulier, sans se demander si elle n’a pas une part de responsabilité dans la situation qu’elle déplore.

Le mal est simple et net : les naissances baissent. Le programme de combat est simple également : influer de telle sorte sur les mœurs publiques que le nombre des naissances s’accroisse. Jamais vous n’obtiendrez un résultat sérieux avec des mesures latérales comme la levée d’un impôt sur les célibataires et autres balivernes d’opéra bouffe. Vous savez bien qu’ainsi vous frapperez M. N., qui a donné au pays, par voie de bâtardise, quatre soldats vigoureux, et qu’en même temps vous exempterez M. X., avec sa femme légitime qui pourrait être féconde mais qui préfère ne l’être point.

Vous ne réussirez pas davantage en promet- tant 45 fr. par an aux ouvrières qui voudront bien mettre sept enfants au monde, et elles vous diront pourquoi, si vous les interrogez.

Enfin, je reconnais que le droit de vote est un droit important, bien que je n’en use guère; mais il me semble que si j’étais mineur, terrassier ou maçon, et si je n’avais pas d’autres raisons de créer sept enfants misérables dans une petite chambre basse, l’honneur de voter deux fois pour mon conseiller municipal ne m’éblouirait pus au point de me rendre sept fois père.

Non. Agir sur la situation démographique d’un peuple, faire monter le chiffre des naissances annuelles grâce à des mesures législatives aidées de propagandes morales, ce n’est pas d’abord une question de primes, de petits impôts, ni de vote plural, c’est, avant tout, en bonne raison

1º Délivrer les jeunes gens de toutes les entraves que la société apporte au rapproche- ment des sexes ;

2º Faire en sorte que la femme, après avoir conçu, ne soit pas amenée bientôt à s’en repentir et à s’en cacher.

Or, s’il est vrai que le législateur et les classes dirigeantes exercent une influence quelconque sur la natalité en France, ils l’exercent, on le sait assez, précisément dans le sens contraire à celui-ci.

En effet, que se passe-t-il ? On parle de propagande ; quelle propagande fait-on dans la campagne et dans les faubourgs ? Celle de la virginité.

Chaque année, de vieilles personnes animées d’un esprit qu’elles croient excellent, et confondant la vertu avec la continence selon l’équivoque traditionnelle, lèguent des titres de rente aux communes rurales, à charge pour les municipalités de couronner solennellement la jeune fille la plus « vertueuse ». Et de toutes les vertus, quelle est la plus illustre aux yeux du donateur ? Pourquoi le conseil municipal, la fabrique et les pompiers vont-ils entourer sur la Grand’Place cette jeune fille à glorifier comme une statue vivante? Est-ce parce qu’elle a sauvé la vie de quelqu’un? Non. Est- ce parce qu’elle nourrit de son travail ses petits frères ou ses vieux parents ? Non; elle est seule et orpheline. Est-ce parce qu’elle a donné des fils à la patrie ? C’est justement parce qu’elle lui en refuse ! Si on l’acclame, si on l’embrasse, si le préfet la montre au peuple, si on lui joue la « Marseillaise », c’est parce que, belle, robuste et saine, elle s’opiniâtre contre tous dans la stérilité volontaire.

On reproche aux Carmélites d’être céliba- taires et vierges, mais quand ce même céli- bat, cette même virginité sont le fait d’une blanchisseuse, il n’y a pas assez d’orphéons, de quinquets et de pétards pour annoncer aux citoyens qu’on va leur présenter une fille dont la vie est un exemple.

Exemple qu’on peut suivre ou ne pas suivre, dira-t-on. Non pas !