Le Discours de la servitude

Écrit par un jeune homme de 16 ou 18 ans, Étienne de La Boétie (1530-1563), le Discours de la servitude volontaire a aussitôt attiré l’attention de Montaigne. En se livrant à un implacable et brillant réquisitoire contre l’absolutisme de son temps, La Boétie remet en cause ni plus ni moins la légitimité de toute forme d’autorité sur une population.
Mais l’originalité de son propos tient dans le fait que, au lieu de se livrer à une charge contre le pouvoir d’un seul, il interroge la capacité de soumission des individus qui forment société.
Il devrait être aujourd’hui encore le bréviaire de chacun.

Présentation par Thierry Gillybœuf

Format : 10,5 x 17
Nombre de pages :  125 pages
ISBN : 978-2-84418-418-4

Année de parution : 2021

6,50 

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Extrait 1 :

Il y a trois sortes de tyrans : les uns ont le royaume par élection du peuple, les autres par la force des armes, les derniers par succession de leur race. Ceux qui les ont acquis par le droit de la guerre, ils s’y comportent comme on sait, bien qu’ils soient (comme on dit) en terre de conquête. Ceux-là qui naissent rois ne sont, communément, guère meilleurs, car étant nés et nourris dans le sein de la tyrannie, ils tètent avec le lait la nature du tyran et
considèrent les peuples qui leur sont soumis comme leurs serfs héréditaires, et selon leur trait de caractère dominant, avares ou prodigues, ils usent du royaume comme de leur héritage. Celui à qui le peuple a donné ce poste, il devrait être, me semble-t-il, plus supportable et le serait, je crois, n’était que, dès lors qu’il se voit élevé par-dessus les autres, flatté par je ne sais quoi qu’on appelle la grandeur, il décide de n’en point bouger ; généralement, il considère qu’il lui faut léguer à ses enfants la puissance que le peuple lui a laissée, et dès lors que ceux-là ont adopté cette opinion, il est étrange de voir à quel point ils surpassent en toutes sortes de vices et même en cruauté les autres tyrans, ne voyant pas d’autre moyen pour assurer la nouvelle
tyrannie que d’assurer la nouvelle tyrannie que de si bien renforcer la servitude et chasser chez leurs sujets l’idée de liberté, que, bien que la mémoire en soit encore fraîche, ils puissent la leur faire perdre. Ainsi, pour dire la vérité, je vois bien qu’il y a entre eux quelque différence, mais je n’en vois pas dans le choix, car s’ils arrivent au règne par des moyens divers, la façon de régner est toujours quasi semblable : les élus traitent le peuple comme
des taureaux à dompter ; les conquérants en font leur proie ; les successeurs ne songent qu’à en faire leurs naturels esclaves.

 

Extrait 2 :

On ne regrette jamais ce que l’on n’a jamais eu, et le regret ne vient qu’après le plaisir et est toujours, avec la connaissance du malheur, la souvenance de la joie passée. La nature de l’homme est bien d’être libre et de le vouloir être, mais sa nature est aussi telle qu’il prend naturellement le pli que l’éducation lui donne.
Disons donc ainsi que toutes les choses dont l’homme se nourrit et auxquelles il s’habitue lui sont comme naturelles, seul est fidèle à sa nature celui qui se sent appelé par les choses simples et non altérées ; ainsi, la première raison de la servitude volontaire, c’est la coutume, à l’instar des plus braves
courtauds qui, au commencement, mordent le frein et puis s’en jouent, et qui, alors que naguère ils ruaient contre la selle, se parent maintenant dans les harnais et tout fiers se rengorgent sous la barde.