Pourquoi je ne suis pas féministe

Figure marginale et incontournable de la Belle Époque, Rachilde (1860-1953) scandalise les foules à chaque publication. Ce livre de commande publié en 1928 ne fait pas exception. Elle qui se travestissait dans sa jeunesse, à rebours de tous les usages, dénonce un nouveau conformisme : elle se moque des femmes qui, dans les années 1920, se mettent à boire et à fumer comme des hommes, à porter cheveux courts et pantalons. Faut-il prendre ce livre au sérieux ? Rachilde est la première à sourire de l’extravagance de ses excès.

Présenté par Franck Javourez.

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Format : 12×17
Nombre de pages : 124 pages
ISBN : 978-2-84418-475-7

Année de parution : 2024

14,00 

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Extrait 1

La guerre des sexes est une lutte nouvelle à ajouter aux luttes anciennes et elle ne serait très intéressante que si elle amenait au… troisième sexe, celui des fourmis travailleuses ou des abeilles ne confectionnant leur miel que pour les reines (ce qui est une bien précieuse invention pour char carnavalesque !), jamais on n’a tant rêvé de reines que depuis les temps démocratiques et il y en a tellement que le bon sens populaire finit par se faire jour en élisant enfin : la reine des reines ! Plus ça change…

 

Extrait 2

Je suis née taciturne, c’est-à-dire contemplative. J’ai donc beaucoup observé, à tort et à travers, cependant presque toujours sans parti pris, car personne ne me poussait vers telle ou telle conclusion. C’est aujourd’hui, seulement, que je peux, non pas me permettre de conclure, mais de choisir, ce qui est moins ambitieux. Je dois avouer aussi que n’ayant jamais été en pension, ce qui m’aurait pliée à de certaines humiliations nécessaires pour admettre les défauts inhérents à toute société, je suis plus intransigeante qu’une autre et cela permet à mon lecteur de prendre contre moi telle précaution qu’il jugera bonne.

 

Extrait 3

Je comprends parfaitement le désir de l’originalité ou de la commodité, mais je ne saisis pas pourquoi l’outrance domine toujours le goût, sinon le besoin. J’ai été moi-même la victime de cette outrance et je ne cherche pas à me disculper, cependant, quand en 1885 sévissaient les modes les moins pratiques (et les plus coûteuses) j’avais quelques raisons d’originalité, de commodités aussi, en allant trouver le préfet de police du moment pour lui demander, le plus simplement du monde, la permission de m’habiller en homme. (…) Quand je me suis mariée, très simplement je me suis habillée comme tout le monde et j’ai laissé repousser mes cheveux : j’avais enterré ma vie de garçon.

 

Extrait 4

Un soir, dans un salon des plus littéraires, où nous venions de voir toutes ces horreurs qui ne font rire que les jeunes femmes en bouts d’allumettes, mais qui arrivent à rendre grossiers les Messieurs au point qu’ils finissent par se trouver très bien entre eux, une dame féministe américaine m’interpella dans un français extraordinaire et avec l’accent bienveillant qu’on prendrait pour accabler un mauvais élève au sujet d’une faute d’orthographe :

— Pourquoi, mon cher maître (textuel) vous obstinez-vous à ne pas faire couper vos cheveux alors que cela serait si utile à notre cause. (Retextuel.)

— Mon Dieu, Madame, répondis-je avec un peu de confusion, c’est parce qu’ils sont blancs et que je ne vois pas l’utilité, moi, à mon âge, de suivre toutes les modes.