Extrait
Victoria de Sélénas était l’un des sujets favoris des magazines people qui traquent toujours les histoires sensibles et insolites propres à émouvoir le plus commun des publics ou, comme on le disait jadis, à faire pleurer dans les chaumières. Ce que l’on savait de sa vie ou plutôt de son destin, tant il semblait fantasque, pouvait s’insérer dans la longue tradition des avatars d’une sorte de Cendrillon et atteindre à ce rang, si rare et subjuguant, de la légende, du personnage culte, du monstre sacré. En fait, les racontars relayant quelques indices biographiques, on avait beaucoup extrapolé sur ses origines, d’autant plus qu’elle menaçait de poursuites judiciaires tout organisme ou individu qui se montrerait trop curieux. Il avait fallu sa disparition, au premier sens du terme, pour qu’on s’emploie à tenter d’en savoir un peu plus sur le compte de cette diva qui avait enchanté et fasciné les amateurs d’opéras à travers le monde et qui, la cinquantaine venue, encore qu’on n’ait jamais su son âge exact, avait définitivement fait relâche en s’exilant pour toujours, croyait-on, dans un pays d’Amérique latine où elle était née à l’exception du sien où on l’aurait trop facilement pistée.