Une première amoureuse

Personnalités majeures de la vie littéraire du XIXe siècle, connus pour leurs romans « naturalistes » et leur épique journal littéraire, les frères Goncourt nous dévoilent une autre facette de leur talent dans ces deux nouvelles. « Une première amoureuse » nous montre le quotidien et les pensées d’une actrice sans vergogne. « Un aqua-fortiste » fait revivre un idéal artistique et bohème qui s’abîme dans la folie. Ces textes de jeunesse des deux frères restent l’emblème de toute une époque.

Présentation par Franck Javourez.

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Format : 10,5×17
Nombre de pages : 58 pages
ISBN : 978-2-84418-442-9

Année de parution : 2023

6,50 

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Extrait 1

Le théâtre, à la bonne heure ! Si vous avez quelque chance de faire fortune, c’est là, uniquement là. Vous savez que si vous avez du talent, cela sera un accessoire fort généreux de votre part, c’est la dernière chose qu’on vous demandera. Pourvu que vous ayez la jambe bien tournée et l’œil bien fendu, directeur et public seront satisfaits ; or vous avez cela, et, en plus, une jolie voix, et vous êtes musicienne. Venez ici, je vous fais engager au théâtre.

Extrait 2

Aussitôt cette lettre reçue, ma belle amie, vous irez chez Bethmont, au coin de la rue Louis-le-Grand, et vous lui demanderez pourquoi il ne m’a pas envoyé mes bas rouges. Il me les faut absolument d’ici à mercredi. Je vous écris toute triste. Mon officier de marine a été tué avant-hier par un jeune homme de la ville. Cela a eu du retentissement, de sorte qu’on me regarde un peu ici comme un phénomène. Je vous recommande mes bas. J’en ai absolument besoin pour la semaine prochaine.

Extrait 3

Nous eûmes, ce poète malade et moi, de belles soirées remplies de promenades, de spectacles, de paroles. Nous courions la ville la nuit. Nous regardions, sur le fleuve, la danse des rayons voilés. Nous nous enfoncions dans les faubourgs, dans les quartiers lointains, cherchant et surprenant un Paris mystérieux, lugubrement superbe et terriblement muet, théâtre vide et noir du peuple.

Extrait 4

Ah, vous vous demandiez pourquoi j’avais peur d’eux ? Voilà… elle est là-dessous ! Je la cherche. Ils l’ont tuée… Oh ! il n’y aura pas de trace, vous verrez ! Je les ai bien entendus, cette nuit : aussitôt la lune disparue du ciel, ils sont venus ; – doucement, doucement, ils sont entrés dans le jardin… les assassins ! Moi, moi… j’étais couché sur un matelas de liège, et toute ma chambre était remplie d’eau-forte… Je ne pouvais pas descendre…, comprenez-vous ? – Il s’arrêta, suffoquant. – Le reste, parbleu ! reprit-il d’un ton brusque, il faut que vous ayez la tête diablement dure,… ils l’ont enterrée ici… Savez-vous où elle est, vous ?… Ah ! là ! Ôtez-vous, madame, vous me gênez !