Terrible châtiment d’un dentiste

D’une plume acerbe et imaginative, Léon Bloy (1846-1917) écrase tout sur son passage. Les contes qu’il publie dans le Gil Blas en 1893 ne ménagent pas le lecteur bourgeois qu’il méprise avec ostentation. En apparence, un dentiste se marie par amour, un poète se rend à un rendez-vous galant, un avocat célèbre les noces de sa fille, un frère retrouve sa sœur disparue et Caïn Marchenoir se promène dans les rues. Mais le passé ressurgit, les morts réparaissent, les cous se serrent, les gifles pleuvent et les têtes tombent dans ces histoires ostensiblement désobligeantes.

Présentation par Franck Javourez.

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Format : 10,5×17
Nombre de pages : 64 pages
ISBN : 978-2-84418-440-5

Année de parution : 2023

6,50 

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Extrait 1

Eh bien ! c’était horrible, c’était monstrueux, mais la gueuse qui le tenait là, sur ce trottoir, sur ce quai d’enfer, comme dit Maeterlinck, avait exactement la voix de sa sœur, de cette créature d’élection qui lui avait paru appartenir aux hiérarchies angéliques et dont les pieds, crus-il, eussent purifié la boue de Sodome. Oh ! sans doute, c’était sa voix inexprimablement dégradée, tombée du ciel, roulée dans les sales gouffres où meurt le tonnerre.

Extrait 2

Lorsque j’eus l’extrême joie, longtemps espérée, de devenir l’ami et le compagnon de Marchenoir, je fus le témoin malheureusement impuissant, – je n’étais pas riche, alors, – des avanies sans nom qu’une vieille propriétaire lui fit supporter. Il devait plusieurs termes et ne parvenait pas, quoi qu’il fît, à la satisfaire. Cette ordure de femme voulait à toute force qu’il lui donnât de l’argent. Elle le gardait néanmoins, mais comme on garde les huîtres perlières dans les pêcheries de l’Océan Indien, surveillées continuellement par des squales attentives, – ayant mis l’embargo le plus rigoureux sur les pauvres meubles aux trois quarts détruits qui lui ultérieurement de sa mère et guettant toujours l’occasion de le dépouiller des misérables aubaines qui pouvaient échoir.

Extrait 3

Tous les vieux rôdeurs ont connu Bardache, le long Agénor Bardache, qui fut si joli dans les dernières années du second Empire, quand il débuta. Après la Commune, qui l’avait orné, je crois, de quelques galons, il disparut, pour quelques années, dans les profondeurs du nadir. Les trottoirs et les bois sacrés le revirent un jour, mais combien changé ! Désormais barbu, jaune et sale, il ressemblera à un arbre aride qui aurait poussé de trop longues branches. La face anguleuse et plaquée de lividités singulières, en dépit des maquillages et des fards, faisait penser à ces effigies du Mal sans pardon que le Moyen Âge a tant sculptées, sous les pieds des saints, dans les pièces obscures de ses basiliques.

Poids 90 g
Auteur

Bloy Léon

Éditeur

Collection La Petite Part