Zébulon ou Le Chat

« C’est l’histoire d’un chat, ou plutôt du Chat, de l’idée de chat. C’est l’histoire du Chat et de son entourage, telle qu’aurait pu la saisir en formules pesées un moraliste du Grand Siècle. Mais à l’heure des GIF et des réseaux sociaux saturés d’images félines, le Grand Siècle du Chat, c’est le nôtre. Zébulon fait se croiser les mondes, les regards et les esprits ».

Loïc Chahine

Format : 12 x 17
Nombre de pages : 80 pages
ISBN : 978-2-84418-383-5
Année de parution : 2019

13,00 

Catégorie :

En guise d’introduction, Maxime 117 :

Que l’on songe au mot de chat : c’est une seule syllabe qui dit tout uniment l’intimité secrète (« chut ! ») et l’accueil amplement ouvert (« ah ! »). Secouons le nom laconique de ce farouche ami, nous ferons sonner ensemble repli et expansion, entre-soi et sociabilité, réserve et effusion, insubordination et élection. Est-il figure plus romantique ?

 

18

La laideur nue du nouveau-né humain le disqualifierait au jeu de la vie si celle-ci se résumait à un concours d’élégance. Où le chaton part tout le premier, le petit homme se traîne en compagnie du hideux oisillon qui, bientôt paré de plumes pimpantes, le devancera d’un coup d’aile.

 

39

Qu’est-ce qu’un chat à sa toilette ? Un miracle de grâce se léchant le cul.

 

55

Rien d’apaisant comme la pulsation du ronronnement. Ce chat que l’on câline, c’est lui qui nous berce.

 

80

Les hommes sont fort peu au grand air, ne voient pas plus l’astre du jour que celui de la nuit, et le train de leur existence, resserrée dans un petit nombre d’espaces confinés, voit une interminable inertie nocturne succéder à une frénésie diurne. Si le chat pouvait se préoccuper de l’homme – ou s’en divertir -, il ne reviendrait pas de l’étonnement que donne cette balance forcenée.

 

87

Au printemps, il se laisse étourdir de chaleur au pied du mur, puis va se glisser sous l’ombre des pervenches qui rampent tout à côté. C’est de ce feuillage vert vif et souple qu’il ressort le poil mêlé de petites feuilles mortes cassantes, extrayant le contrepoint philosophique de la saison.

 

114

On prend en horreur le cruel avicide, on s’effraie de le voir partout reçu avec tendresse, il semble qu’il affiche parmi ses maîtres le cynisme d’un bourreau comblé d’honneurs. Et si ce monstre n’avait pas tant tué que joué ? Eh quoi ! répondra-ton, l’indifférence à la douleur de la victime sauve-telle l’âme de l’assassin ? Je réponds hardiment que oui, et que, dans l’ordre animal, la nature a doté ce prédateur d’une liberté qui étonne et n’appartient qu’à lui : celle de perpétrer chaque jour son métier et de, chaque jour, dans nos bras l’oublier.

 

116

Quelqu’un a écrit que les hommes ont du rapport aux animaux, de sorte qu’on peut dire qu’il se trouve parmi eux « des chats, toujours au guet, malicieux et infidèles, et qui font patte de velours*. » Il connaissait les hommes mieux que les chats ; qu’avait-il besoin d’insulter le chat pour convaincre l’homme ?

* La Rochefoucauld, Réflexions diverses – XI Du rapport des hommes avec les animaux, p. 180-181.

 

119

Celui qui, voyant le chat passer incessamment du carnage à la cajolerie, le déclare hypocrite, est comme l’homme du monde qui, entendant un Huron vanter l’honneur de son peuple et s’étonner des ridicules français, lui refuse les lumières naturelles. La contradiction n’est que dans son esprit étroitement resserré en lui-même, qui l’empêche de bien voir l’homme et de connaître la nature.

 

154

On croit communément que la bête ignore qu’elle meurt et que l’effroi du néant lui est épargné. C’est une providence que l’impossibilité où l’on est de lui apprendre son sort. Je savais, se dit-on, et heureusement ne pouvais me trahir.

Poids 101 g
Auteur

Levacher Maëlle

Éditeur

Collection La Part Classique