Nono

Prix littéraire
Eugène Livet 2011

 

« Une part de moi ne va pas bien / celle appelée le frère celui qui est / sur un lit d’hôpital avec à la tête / un pansement une bête noire dessous ». Ce frère, en proie aux affres d’une maladie dont le nom n’est pas dit mais dont on se doute bien qu’elle mord, creuse et mange la vie, c’est Nono qui déjà ne parle plus, ou si peu, qui ne voit plus et qui se prépare à quitter l’ici-bas pour ailleurs. Cela, famille et proches unis, atterrés, démunis, pris dans cet échange du peu de mots qui précède le silence et l’acceptation, ne peuvent l’empêcher. Ils n’ont que leur présence à donner pour tenter d’équilibrer le balancier d’un destin qui veut que l’un sombre trop jeune tandis que les autres doivent poursuivre sans lui. Cette absence, impossible à combler, Thierry Le Pennec l’écrit avec force et efficacité. Ses poèmes brefs, roulant pierre à pierre et portant avec eux tant de gestes simples, de réflexes, d’émoi, de chaleur sur la page, s’assemblent pour créer, au final, le plus beau tombeau qui soit : celui dédié à Nono, ce frère disparu qui restera présent aux autres tant que ceux-ci le seront à eux-mêmes.

 

Format : 17 x 12
Nombre de pages : 64 pages
ISBN : 978-2-84418-179-4

 

 Année de parution : 2009

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m’en revenant de chez le frère
cadet celui que je préfère
traversant le bois de Malaunay
à bord du véhicule chargé
des quatre membres de la famille
mienne je me mis à penser alors
que je tenais le volant à la mort
par noyade ce que ça pouvait faire
que d’avaler une gorgée d’eau
dans les poumons, je ne sais pourquoi.

une part de moi ne va pas bien
celle appelée le frère celui qui est
sur un lit d’hôpital avec à la tête
un pansement une bête noire dessous
– sommes assis sur le bord des draps –
j’ai les yeux qui larmoient
à cause d’un rhume pris en ce début d’été
tant pluvieux.

visage du frère en face du mien
à la table dressée dans sa cour
sous le parasol nous buvons un thé
j’écoute les mots qu’il dit
de sa vie depuis tout petit nous étions
déjà là en face l’un de l’autre
avec nos cheveux courts comme il les a
depuis qu’on lui a
découpé un morceau de la tête.

Thomas

et bouteilles dans le ru
mises au frais pour la saison qui nous occupe
avec nos tranches
bien affûtées au pied
des plants les coups
pleuvent terre tassée j’ai l’impression
dans l’arène des arbres entourant le verger cher
d’avoir en face de moi le frère très jeune.

repas sur l’herbe d’une partie de la tribu là
nous fêtâmes les 70 ans du père
aujourd’hui
ce sont les 40 du Quatrième
le rétablissement du Deuxième
non encore remis puisqu’en fin d’après-midi
un drôle de truc à l’avant-bras une crise convulsive
le fit s’allonger à la maison les visages
autour de lui s’inquiètent
« respire à fond » lui dit-on
comme s’il était gosse encore
« ne t’énerve pas »
jusqu’à ce qu’arrive l’ambulance.

éparses dans la pâture adjacente
la pelouse par quel vent portées là
de l’ancien champ de fleurs
les touffes
roses en bouquets si fins à cueillir
comme une trace de doigts grand-mère
ondulant dans l’immense vert
des herbes de toutes sortes la clarté
qu’il y a comme des brins de paille
suspendus en l’air
les Immortelles Cassianum ?

skate-board

absorbé par une tâche
quelconque d’entretien du bord de route
à la faucille au cœur des bosquets de lilas
il est 11 heures
« papa regarde » je lève la tête 20 fois
jusqu’à l’heure de midi pour admirer le fils
qui fait des demi-voltes
sur sa planche à roulettes le goudron crisse
et scintille nous sommes vivants.

Poids 90 g
Auteur

Le Pennec Thierry

Éditeur

Collection La Part Classique