Les quinze joies du mariage

Ces « quinze joies de mariage » offrent un tableau plein d’humour et d’acuité des vicissitudes conjugales.

L’étonnante modernité de ce petit texte, loin de ne s’adresser qu’à un cercle de médiévistes, offre au fil des situations un tableau vivant et enjoué des pièges de la conjugalité. Nul désir de corriger les mœurs mais un regard ironique, jamais partisan, toujours amusé : l’auteur s’y exprime avec une élégante désinvolture. Quant au mari, balourd sans imagination, « métamorphosé en âne sans qu’il soit besoin d’aucun enchantement », il est aussi coupable que son épouse. Après tout, c’est lui qui cherche son malheur et, comme le constate avec humour et détachement l’auteur, « Dieu n’a donné froid qu’à ceux qu’il sait assez chaudement emmitouflés pour pouvoir le supporter »…


Format : 12×17 –
Nombre de pages : 240 pages
ISBN : 978-2-84418-134-3

 

Année de parution : 2008

15,00 

Catégorie :

La première joie

La première joie du mariage est goûtée alors que le jeune homme est encore dans sa belle jeunesse, qu’il est frais, net et plaisant, et qu’il n’a pas d’autre préoccupation que soigner sa mise, composer des ballades, les interpréter, repérer parmi les belles celles qui ont le plus de charmes, et profiter sans souci des plaisirs de la vie que lui permet sa condition.
Il ne s’inquiète pas de l’origine de ses ressources dans la mesure où il a encore son père et sa mère, ou d’autres parents qui lui accordent sans compter tout ce qu’il demande.
Pourtant, bien qu’il vive largement et mène une existence facile, le voici qui ne peut bientôt plus supporter sa situation, mais qui regarde avec envie les autres, mariés et bien emprisonnés dans la nasse, mais qui, croit-il, s’y divertissent fort puisqu’ils y ont auprès d’eux l’appât, à savoir leur épouse, belle, bien apprêtée, richement vêtue, de toilettes qui, sait-on jamais, ne sont peut-être même pas payés par son mari. Qu’importe, on fait croire au brave époux qu’il s’agit d’un cadeau du père ou de la mère, prélevé sur leur garde-robe personnelle…
Le jeune homme tourne et rôde alors tout autour de la nasse, se donne tant et tant de mal qu’il finit par y pénétrer et se marie : hélas, pressé qu’il est de goûter au festin, il arrive souvent qu’il ne prenne pas le temps de réfléchir suffisamment aux conséquences de sa décision et se jette tête baissée dans cette aventure.
Le voici maintenant bien captif dans la nasse, lui qui jusqu’alors ne se souciait que de chansonnettes, de coquetterie, de bourses de soie et autres babioles à offrir aux belles. Le voici qui jubile, qui goûte quelques temps aux délices du mariage sans nul désir de recouvrer sa liberté jusqu’au jour où il y songe, mais alors il n’est plus temps et il lui faut établir sa femme selon un rang digne d’elle.
Or celle-ci, qui est peut-être d’un naturel superficiel et frivole, a justement remarqué l’autre jour à une fête à laquelle elle s’est rendue, que les autres demoiselles, bourgeoises ou autres épouses de sa condition, étaient toutes vêtues à la dernière mode. Sur-le-champ, elle décide qu’elle doit à son rang ainsi qu’à sa famille d’être mise aussi dignement que les autres. Elle réfléchit alors au moment, à l’heure et au lieu les plus favorables pour évoquer le sujet avec son mari et en arrive à la conclusion que les femmes devraient aborder de préférence les sujets qui les intéressent à l’endroit où leurs maris sont les plus susceptibles de leur prêter une oreille bienveillante, c’est-à-dire au lit, dont le malheureux attend mille délices et mille jouissances comme si c’était sa seule raison d’être.

La dame attaque alors :
– Laissez-moi, mon ami, car je n’ai pas le cœur à rire.
– Et pourquoi donc, mon amie ?
– J’ai une bonne raison, bien sûr, mais il est inutile que je vous en parle car vous ne prêtez aucune attention à tout ce que je peux vous dire.
– Amie, pourquoi de tels reproches ?
– Par Dieu, Monsieur, à quoi bon perdre du temps puisque, de toute façon, vous n’y accorderez aucune importance ? Vous pourriez même supposer que j’ai quelque arrière-pensée.
– Vraiment, expliquez-vous !

Alors, elle :
– Puisque vous insistez, je vais vous répondre. Mon ami, vous savez que je me suis rendue l’autre jour à telle invitation, où vous m’avez envoyée alors que je n’en avais guère envie. Quoi qu’il en soit, une fois que je me suis trouvée là-bas, je crois bien qu’il n’y avait pas une seule femme (d’aussi modeste condition fût-elle) aussi mal attifée que moi. Pourtant, je ne le dis pas pour me flatter, mais je suis d’aussi bonne naissance, Dieu merci, que n’importe quelle autre dame, demoiselle ou bourgeoise présentes là-bas, je m’en remets à ceux qui connaissent la généalogie. Ce n’est pas par coquetterie que je vous rapporte tout cela car je ne me soucie fort peu de mon apparence, mais parce que j’ai honte pour vous et pour ceux qui m’aiment de l’image que je donne.

Poids 101 g
Auteur

Anonyme

Éditeur

Collection La Part Classique