Le Poète extravagant avec l’Assemblée des filous et des filles de joie

Ce livre nous entraîne dans l’univers cocasse de la pègre parisienne sous le règne de Louis XIV. C’est l’envers du Grand Siècle que l’on nous révèle : poètes crottés, brigands, prostituées se haranguent et se querellent dans une atmosphère proprement carnavalesque.
Le lecteur se plaira à cette compagnie haute en couleurs !

Présentation par Franck Javourez

Format : 10,5 x 17
Nombre de pages : 92 pages
ISBN : 978-2-84418-405-4

Année de parution : 2020

 

 

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EXTRAITS
[…] le poète arriva, qui, après un cent de révérences, et autant de compliments importuns au dernier point, me conduisit dans sa chambre, où il fit encore beaucoup de façons, remua plusieurs papiers, témoigna avoir plus d’affaires sur les bras qu’un poltron qui se voit pressé d’aller au combat et, prenant son écritoire, comme il n’y trouva point de plumes, il tailla et fendit l’un de ses ongles qu’il avait aussi longs que le bec d’un héron, puis, le mouillant dans de l’encre presque moisie, il écrivit sur un morceau de papier déjà tout brouillé, quelque cinq ou six vers qu’il exalta en les lisant et relisant plusieurs fois.
Théodore fut un jeune homme d’assez bonne famille et la sagesse qu’il fit paraître dans ses premières années donna lieu à ceux qui avaient la charge de son éducation d’attendre de sa conduite toute sorte d’heureux succès. Mais à peine eut-il atteint l’âge de seize ans qu’il les obligea bien à changer de pensée, car il se mit à fréquenter plusieurs débauchés, entre lesquels se trouva un nommé Bondrille, adroit filou et grand spadassin, qui feignant l’avoir vu à l’armée en Catalogne, le salua sous le nom de la Brèche, à quoi il répondit volontiers, joyeux de passer pour un homme qui eût paru dans les belles occasions. Cependant ces gens qui étaient tous des chercheurs de bonne fortune, voulant l’attirer à leur cabale, lui donnèrent plusieurs bons
repas, se servant d’abord de cette amorce pour lui faire goûter ensuite une vie tout à fait déréglée.
Une jeune femme est comme une vieille horloge qui va toujours mal, si elle n’est souvent remontée. La vieillesse d’un homme est semblable à un tonneau de vin qui s’aigrit. Vous ne portez plus qu’un tour de cheveux couleur de Baracan, qui semble être aux deux côtés de vos joues deux paires de vergettes propres à nettoyer des habits, et votre crâne, dépouillé par le sommet, fait voir la figure d’une calotte couleur de chair.
Votre nez distille tant de roupies qu’il semble que ce soit le chapiteau d’un alambic et vous en êtes aussi trempé que s’il avait plu à verse sur votre estomac. Vous êtes sur le bord du fleuve d’oubli.
Mais la plus ridicule à voir fut une salope qui portait devant elle un morceau d’éponge attaché sous son busc avec un bout de lacet. Rustaut qui aperçut ce joyau, lui demanda s’il servait à la débarbouiller avec des eaux de senteurs. À quoi Roger, qui prit la parole, répondit qu’il pouvait mieux sentir l’urine que l’eau d’ange et, qu’à son opinion, le voyant si proche de son nombril, il devait plutôt être employé à tamponner la partie qui lui était inférieure qu’à autre chose, dont chacun se prit à rire.