Esclave, concubine, génératrice

« Quand on parle d’améliorer le sort des femmes, on a pour alliés tous les pères ; quand on parle d’améliorer le sort des femmes, on a pour adversaires tous les maris. » À la fois père et mari, Ernest Legouvé (1807-1903) se fait pourtant le champion des femmes, envers et contre une époque qui considère que « la femme la plus raisonnable n’atteint jamais au bon sens d’un garçon de quatorze ans. » Dans un cycle de conférences très suivies, il appelle avec véhémence à refonder le droit des femmes, dans une société qui les réduit à ce triple rôle : « esclave, concubine, génératrice ».

Présentation par Élodie Dufour

Format : 10,5 x 17
Nombre de pages :  116 pages
ISBN : 978-2-84418-426-9

Année de parution : 2022

 

 

 

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Extrait 1 :

C’est au nom des grâces des femmes qu’ils [les hommes du monde] protestent contre l’amélioration de leur sort ; les instruire, c’est les déparer ; ils ne veulent pas qu’on leur gâte leurs jouets. Ne reconnaissant, selon la doctrine de Rousseau, d’autre destination aux femmes que de plaire aux hommes, ils les traitent à peu près comme les fleurs auxquelles ils les comparent toujours : respirer leur parfum, vanter leur éclat, puis les rejeter quand l’un est évanoui et que l’autre est effacé, tel est leur système. Or, les deux tiers de la vie de la femme se passent à n’avoir pas encore ces charmes ou à ne les avoir plus ; son sort, grâce à eux, se résume donc en deux mots : attendre et regretter.

Extrait 2 :

Un fait m’a toujours frappé et blessé : toutes les vertus que l’on cultive chez les jeunes filles, toutes les occasions de s’instruire qu’on leur donne, ont toujours pour objet le mariage, c’est-à-dire le mari. On ne voit et l’on élève dans la jeune fille que l’épouse future. À quoi lui servira tel talent ou telle qualité quand elle sera mariée ? dit-on sans cesse. Son développement personnel est un moyen, jamais un but. La femme n’existe-t-elle donc point par elle-même ? N’est-elle fille de Dieu que si elle est compagne de l’homme ? N’a-t-elle pas une âme distincte de la nôtre, tenant comme la nôtre à l’infini par la perfectibilité ? La responsabilité de ses fautes et le mérite de ses vertus ne lui appartiennent-ils pas ? Au-dessus de ces titres d’épouses et de mères, titres transitoires, accidentels, que la mort brise, que l’absence suspend, qui appartiennent aux unes et n’appartiennent pas aux autres, il est pour les femmes un titre éternel et inaliénable qui domine et précède tout, c’est celui de créature humaine […].

Extrait 3 :

Je ne sais si je m’abuse, mais il me semble que nous nous créons de singulières illusions sur le déclin relatif des femmes et sur le nôtre. Nous sommes très sévères pour elles, mais par compensation nous nous montrons fort indulgents pour nous. Législateurs même de ce qui est hors des lois, nous avons habilement converti nos défauts d’âge mûr, en qualités. L’embonpoint pour nous s’appelle de la noblesse ; les rides donnent du caractère au front et à la bouche ; la calvitie élargit le crâne en le dévoilant ; il n’est pas jusqu’aux cheveux gris, qui, trahissant des méditations profondes, ne transforment tout homme entre deux âges en penseur ; et enfin, établissant, ainsi que l’a spirituellement observé madame de Genlis, la supériorité de notre décadence jusque dans la langue, nous disons d’une rose qui passe, qu’elle se fane, et d’un chêne qui meurt, qu’il se couronne.

Poids 90 g
Auteur

Legouvé Ernest

Éditeur

Collection La Petite Part